Histoire de Châtillon

Présentation

J'ai choisi de mettre sur cette page des témoignages d'époque, documents rédigés par d'autres, plutôt que des textes à moi.

J'ai donc sélectionné un ensemble d'extraits de l'Historique de la Vallée d'Aoste, de Jean-Baptiste de Tillier (rédigé en 1742, p. 64 et suivantes), ainsi que des extraits du texte de Aimé-Louis-Marie Vignet des Etoles, premier intendant pour les Savoie dans la Vallée d'Aoste (1773-1784), Mémoire sur la vallée d'Aoste (rédigé en 1778, p. 232 et suivantes) (voir ALM Vignet des Etoles, « Mémoire sur la vallée d’Aoste », édité par Fiorenzo Negro, dans Bibliothèque de l’Archivum Augustanum, N°XX, Aoste, 1987).

Jean-Baptiste de Tillier

« BARONIE DE CHÂTILLON. La Seigneurie de Châtillon, à présent Baronie, est une ancienne terre de la maison de Challant. Déjà par acte du 14 des kalendes de janvier 1242, les trois frères Godefroy, Aymon et Bozon, vicomtes d’Aoste, fils de Bozo et celui-ci d’Aymon qui est pris pour tige de la famille, reconnaissaient en ces termes tenir à fief du Comte Amé, outre le Vicomte et d’autres terres, encore la Seigneurie de Châtillon ; « Ils ont en outre reconnu tenir à fief du même Seigneur Comte la bourgade de Châtillon et le château « Des Rives, où était le bourg, etc. » Ce château des Rives était une maison forte élevée sur une butte de sable tout proche de la Doire ; on en voit encore les vestiges. Il y avait autrefois là bas un ancien bourg, appelé lui aussi le bourg des Rives, et une grande route ; mais déjà avant cette époque, l’un et l’autre avaient disparu, emportés, selon toute apparence, par quelque furieux débordement de la Doire et du torrent descendant de la vallée de Valtournanche [le Marmore], qui ravagea toute la plaine qui s’étend au pied de la colline où s’élève aujourd’hui le bourg de Châtillon. Il y a environ dix ans, on voyait encore le long de la Doire les vestiges du grand chemin de dessous qui était soutenu en plusieurs endroits par des murailles dont on ne découvre plus que quelques fragments ; le reste a été renversé par les débordements de la rivière. Ces murailles étaient si fortes et si puissantes que l’on eût pu les croire bâties par les Romains, si les ponts de Châtillon et de St-Vincent, qui sont sans contredit des ouvrages de ce peuple conquérant, n’étaient là pour nous faire connaître que la grande route qu’ils avaient établie et les habitations de leur temps étaient plus haut, et que le prétendu bourg d’en bas, avec le chemin contre Doire, étaient plus anciens et peut être même l’oeuvre des premiers peuples Salasses.

Quoi qu’il en soit, la Seigneurie de Châtillon et celle de Cly, avec leurs dépendances, furent le partage du Vicomte Bozon, troisième des frères susdits. Après lui, Châtillon passa à Godefroy son second fils, de celui-ci à Pierre et de Pierre à Boniface. Ce dernier étant mort sans enfants vers le milieu du XIVe siècle, le Comte Amé [de Savoie] surnommé le Vert, se prévalant de la coutume du Val d’Aoste, qui déclare les fiefs des anciens pairs réversibles, se mit en possession du château, ville et mandement de Châtillon et de toute la jurisdiction, droits et rentes qui en dépendaient. Il les garda ainsi, par ce seul droit, pendant plusieurs années ; puis le Seigneur Yblet, Seigneur de Challant et de Montjovet, capitaine général en Piémont et père du comte François de Challant, l’ayant supplié de les lui donner en fief et de l’en inféoder, ce prince les lui accorda volontiers, moyennant cinq mille florins d’or du plus grand poids, qui furent effectivement payés, ainsi qu’il résulte des propres termes de l’acte, en date 15 juin 1366 : « C’est pourquoi le dit Seigneur Comte, considérant et observant les chers et agréés services faits et rendus à lui et à ses ancêtres par le dit Yblet de Montjovet et par ses prédécesseurs ; tenant compte aussi des travaux continuels, que le même Yblet et ses prédécesseurs ont toujours eus jusqu’ici, avec un soin et une vigilance extrêmes, pour la conservation de l’honneur et de l’Etat du même Seigneur Comte et de ses ancêtres et de tout le Comté de Savoie, etc.. pour soi et tous ses héritiers et successeurs, cède, donne, transporte et accorde en fief noble, ancien, paternel et de famille, au même Yblet présent et acceptant pour lui et les siens, le château, ville et mandement du dit lieu de Châtillon en vallée d’Aoste, autorite pure et mixte et jurisdiction de tout genre, hommes, hommages, fidélités, rentes, services, possessions, domaines, usages, tributs et tous et un chacun les autres droits appartenant au dit château de Châtillon et existant par le fait du fief du même Seigneur Comte, etc… pour laquelle inféodation le même Seigneur Comte reconnaît avoir eu et réellement reçu du même Yblet, en bons florins de bon or et de grand poids qui lui ont été réellement comptés, soit par la main de son clerc Antoine Barbier, cinq mille florins d’or desquels, etc. ».

Le même Seigneur Yblet, par autre acte du 19 août 1409, reconnaissait comme suit tenir à fief la seigneurie de Châtillon du Comte Amé surnommé le Pacifique: « Plus il reconnaît tenir à fief les bourgs du bourg de Châtillon, plus la terre de Promiod, qui sont de Reyta, plus le ressort de Nissod et celui de Chanton, qui sont de Cumiana, plus le marché le mardi de chaque semaine, au bourg de Châtillon, plus le péage, qu’il est d’usage de payer et de recevoir, plus les bois, les eaux et les pâturages, avec autorité simple et mixte et toute jurisdiction, depuis le pont de pierre jusqu’au milieu de la vallée de Meyran, et depuis le milieu de la Doire jusqu’au sommet des monts, ainsi que et comme il a été limité, avec ses parts-ayant, et pour les susdits, le même Seigneur Yblet reconnaît devoir à notre dit Seigneur et aux siens un hommage-lige, et une fois par an, lorsque le même Seigneur Comte viendra en vallée d’Aoste pour administrer la justice, s’il passe par Châtillon, deux parts d’un intrage, et trente livres de plaid au changement du vassal ; plus il reconnaît tenir, par effet de la prédite inféodation, sur le territoire de Pontey, etc… ».

Le Seigneur Yblet laissa en mourant cette Seigneurie et jurisdiction à Jean son second fils, qui en fit bâtir le château tel qu’on le voit aujourd’hui, sur une éminence au-dessus du bourg, dans une situation agréable mais extrêmement battue par le vent. C’est là que les Seigneurs de Challant font à présent leur principale demeure. Jean de Challant étant mort sans enfants mâles, la Seigneurie de Châtillon, en vertu des substitutions fidéicommissaires qui en excluent les filles, passa au Seigneur François, son frère aîné. C’est ainsi que lors de l’érection de la Seigneurie de Challant en Comté, elle se trouva unie à celui-ci, et que, après la mort du Comte François elle passa avec le Comté dans la branche du Comte Jacques.

Elle resta à ses descendants, jusqu’à ce que la Comtesse Isabelle, fille héritière du Comte René de Challant, la céda en 1568, avec le consentement exprès du Comte de Madrus son époux, aux Seigneurs de la branche de Fénis qui lui disputaient le Comté, ainsi qu’on l’a amplement rapporté ci-devant.

La Seigneurie de Châtillon est à présent réunie à la primogéniture, et fait partie du domaine du Seigneur Comte de Challant. Ce n’était autrefois qu’une simple Seigneurie ; elle n’a commencé à porter le titre de Baronie que depuis la cession que nous venons de rappeler, et lorsque les quatre frères de Challant se partagèrent les terres qu’on leur avait cédées ; car ils voulurent la rendre pour ainsi dire égale en dignité à celle de Fénis, dont ils étaient issus, et qui portait déjà ce titre depuis plusieurs années.

Elle était pour lors composée du bourg ou soit ville de Châtillon, des ressorts de Promiod, Nissod, Chamois, d’une partie de la paroisse de Pontey et du mandement d’Ussel avec ses dépendances, quoique ce dernier doive faire, comme autrefois, une jurisdiction et Seigneurie particulière, aiusi qu’on le rapportera ci-après en son ordre. Le bourg de Châtillon est situé sur la grande route, à moitié chemin environ de Bard à la Cité [d’Aoste], dans une belle exposition pour l’agrément de la vue, du soleil et du bon air.

C’est un des endroits les plus peuplés de bourgeois commodes. Il y a un marché qui, du mardi où il avait été fixé lors de son institution, a depuis été transporté au samedi de chaque semaine, et une foire franche faisable le 4 octobre de chaque année. Châtillon ne manque pas d’un certain commerce, quoique le seigneur ait le droit d’y faire exiger le péage sur le passage de certaines marchandises. Une longue et large rue, par laquelle il faut un peu monter et descendre, le traverse d’un bout à l’autre ; elle est bordée à droite et à gauche de maisons assez bien bâties et d’assez belle apparence. Il est même surprenant que ce bourg ait pu se rétablir si bien et se relever de ses ruines après avoir été complètement détruit par un incendie général arrivé l’an 1430, dont il est fait mention dans les franchises accordées au dit bourg et paroisse par le Comte François de Challant sous la date du 21 mai 1436. L’église paroissiale est raisonnablement ornée et assez bien bâtie ; elle a trois nefs et un beau choeur ; elle est desservie par un chanoine de la cathédrale, ainsi qu’il est dit en son lieu. Cette église s’élève sur une éminence entre le château et le bourg. Il y a encore à Châtillon, vers le milieu du bourg un couvent de capucins. Ces religieux s’y sont établis en 1633, par la piété et la libéralité des seigneurs de cette terre et d’autres bienfaiteurs, comme les maisons Brunod, Carrel, Castellet, Chandiou, Passerin, etc.

USSEL SEIGNEURIE. — La seigneurie d’Ussel est aussi une ancienne jurisdiction de la maison de Challant. Par ce même acte du 4 des kalendes de janvier 1242, déjà plusieurs fois rappelé, par lequel ils ont reconnu au Comte Amé de Savoie les droits du Vicomte et autres terres, les frères Godefroy, Aymon et Bozon vicomtes d’Aoste lui reconnaissaient aussi les plaids de Viereng, dépendant de la seigneurie d’Ussel. Ebal de Challant, par son testament du 23 mars 1323, institue entre autres ses fils Jean et Pierre dans les jurisdictions de Montjovet, Ussel, Pontey et leurs dépendances, depuis Eau Noire en descendant jusqu’aux confins de la seigneurie de Verres. Le premier des deux, Jean, eut Montjovet ; Pierre, qui était ecclésiastique, eut Ussel et Pontey. Après sa mort cette jurisdiction parvint aux deux fils de Godefroy, sénateur de Rome et frère aîné de Jean et de Pierre. Ils s’appelaient Aymon et Ebal II ; par acte du 23 mai 1337, entre autres terres dont ils étaient en possession, ils reconnurent spécialement tenir à fief Ussel du comte Aymon de Savoie. Les deux frères ayant ensuite partagé entre eux, Ebal, qui était le plus jeune, eut pour son lot la Seigneurie d’Ussel, plus Saint-Marcel qui fut pour lors détaché du mandement de Fénis avec lequel il faisait corps.

Il forma de ces terres ainsi unies une jurisdiction particulière qui a subsisté assez longtemps. Ce fut lui qui fit bâtir le château tel qu’on le voit à présent, sur une butte de rocher faisant face au grand chemin. Il le laissa, avec la Seigneurie de ces deux terres, à Pierre son fils aîné ; et Pierre en fit autant, à son tour, en faveur de son premier fils François. Mais ce dernier n’eut point d’enfants de son mariage avec Madame Bonne fille de François de Gin Seigneur d’Inone au pays de Vaud. Il appela donc à sa succession le Comte Louis de Challant, auquel il fit donation de son château et de ses terres ; et le Comte Louis les laissa en mourant à Jacques son second fils, par testament du 22 avril 1487, les ajoutant à la seconde géniture d’Aymavilles ordonnée par le Comte Jacques son aïeul. Mais ce ne fut pas pour bien longtemps ; car le Seigneur Jacques étant décédé sans enfants, Ussel et Saint Marcel furent réunis au Comte Philibert son frère aîné et passèrent après lui au Comte René fils unique de ce dernier. On sait déjà comment le Comte René disposa de ses fiefs en faveur de Mme Isabelle de Challant sa fille, femme du Comte de Madrus. Il en fit autant d’Ussel et de St-Marcel, au moins pour le droit de fonds, car pour le reste il les avait vendus en 1556, sous grâce de rachat perpétuel, au Seigneur Capitaine Paul de Madrus, pour payer une partie de la rançon dont il était convenu avec le Maréchal de Brissac, général des troupes françaises, qui l’avait fait prisonnier peu de temps auparavant à l’emblée soit surprise de la ville de Verceil en Piémont. Le Capitaine de Madrus posséda cette Seigneurie jusqu’en 1574, où la Dame Isabelle et les quatre frères de Challant Seigneurs de Fénis qui lui disputaient le Comté la dégagèrent, pour être remise avec Châtillon à ces derniers, ainsi qu’ils étaient convenus par la transaction du 10 juillet 1573 dont il’a été parlé en son lieu.

Depuis lors le Château d’Ussel avec ses dépendances est toujours resté réuni à la baronnie de Châtillon. Les revenus en sont encore présentement engagés à la maison de Villette, pour les droits dotaux de Madame Marguerite fille du Seigneur Georges de Challant et femme de Messire Gaspard de Chevron Baron de Villette en Tarantaise, relevant à trois mille et cent écus d’or. La jurisdiction d’Ussel est toujours possédée, avec la baronnie de Châtillon, par le Seigneur Comte de Challant, quoique le Seigneur Joseph de Challant, baron de Châtillon, ait le droit de la prétendre, comme jouissant de la secondegéniture de la famille, à laquelle cette Seigneurie et celle de Saint-Marcel ont été ajoutées ainsi qu’on l’a rapporté plus haut. C’est même pour cette raison, c’est-à-dire en dédommagement du revenu de ces deux terres, et jusqu’à ce que le Comte de Challant en ait fait le dégagement, qu’il jouit d’une pension annuelle de cinquante pistoles sur la baronnie de Fénis, et depuis la vente de cette baronnie, sur celle de Châtillon, Depuis la mort du Seigneur François de Challant dernier Seigneur d’Ussel, les Comtes de Challant, qui avaient des habitations plus commodes, et après eux les barons de Châtillon, qui étaient à portée de se faire rendre les redevances de cette terre à Châtillon même, où ils faisaient leur demeure, ne se sont plus souciés du château d’Ussel. Ils l’ont abandonné et laissé tomber en ruines, en sorte qu’il n’y a plus aujourd’hui rien de couvert. Il n’en subsiste que les murailles, la plupart desquelles sont encore à présent sur pied.

C’est là l’état présent des terres appartenant à l’aîné de l’illustre Maison de Challant dans le Duché d’Aoste. Les Seigneurs Antoine-Gaspard et François-Jérôme de Challant, qui les ont fait réunir à la famille, les ont laissées au Seigneur Georges-François, fils aîné de ce dernier, qui a succédé au Comté par droit de primogéniture ; et celui-ci les a laissées au Seigneur François Octave, son fils aîné, à présent Comte de Challant. »

Jean-Baptiste de Tillier, Historique de la Vallée d'Aoste, L. Mensio, Aoste, 1887

Aimé-Louis-Marie Vignet des Etoles

"Après ce mandement dont le vieux chateau en masure est sur un rocher, vient la juridiction de Chatillon, ancien fief rect et propre de la Maison de Challant, composé de Châtillon, Chamois au dessus, Ussel et Ponthey vis a vis sur l’autre bord de la Doire. Châtillon qui est ville et le plus gros bourg du Duché est assès bien bati, peuplé, et est devenu un peu commercant depuis l'ouverture de la route toute neuve sur son territoire qu'elle maintient avec assès de soin.
Elle a le privilege de foires et marchés: pour ceux ci elle fait dresser une place avec des hales devant une maison de ville qu'elle a fait batir. Au dessus est le bureau d'insinuation; l'eglise encore au dessus surmontée de meme par un beau chateau de gout moderne mais qui menace ruine avec les maisons de quelques particuliers au’dessous bien baties. Le tout ensemble forme de loin une perspective assès riante d'une ville en amphiteatre que la route traverse par le milieu.
Il s'y trouve un couvent de capucins de dix pretres et trois lais qui y ont un bel enclos; il y a un bureau de tabac et de poste, un banc à sel et une dixaine de familles notables entre lesquelles une noble, mais ruinée, dite Chandiou, et deux d'avocats. Son territoire, quoique borné à la porte du couchant par les focages separés de Valtornanche et à un mille par St. Vincent du coté du levant, ayant une espece de plaine, mais forte relevée au dessous du bourg vers la Doire au midi qui ne peut l'endommager et remontant sur une colline assès bien cultivée dessous Anthey et Chamois au nord, forme un cadastre de 96 focages qui porte sa taille à L. 2.448.
Sa population donnée par le curé chanoine de cette Cathedrale monte à 1.848 ames, mais c'est que la communauté d'Ussel sur le bord opposé de la Doire est du meme spirituel, de meme que le peu d'habitans de Chameran, de Breuil et de Champlong qui sont du temporel de Valtornanche et de Torgnion en plaine sur la route. Elle demande de reunir ces territoires au sien pour uniformer le spirituel au temporel et parce qu'etant un lieu d' etappe et de marché et le siege des tribunaux de ces environs elle est sujette à des plus fortes depenses, et plus à portée de veiller à la route. Je croirais que pour le maintien de celle ci seulement il conviendrait de lui donner le bas de la colline ainsi que s'etend son spirituel, c'est à dire les portions de Valtornanche et Torgnion qui feraient environ cinq focages, de meme qu'à Chambave les portions inferieures de St. Denis et de Verraye, afin que ces bourgs tinssent toujours la route sur laquelle ils sont situés en bon etat pour uniformer d'ailleurs le spirituel au temporel, et pour augmenter le trop petit territoire de Chambave. Je le reserve de mieux considérer les raisons de part et d’autre avec cette Delegation.
Quant à Ussel, qui est la montagne au revers de Châtillon à la cure de laquelle cette petite communauté est attachée, je ne vois pas pourquoi etant de la meme juridiction comme du spirituel et ne composant que six focages qui portent L. 408 de taille on y laisseroit subsister une administration particuliere. Les revenus utiles en censes de ce quartier de la seigneurie, de la valeur de 5 à 600 L. sont possedés par le baron de Vilette, mais sous rachat perpetuel en faveur de la Maison de Challand.
Par la connexité des objets, quoique nous nous soyons proposés de suivre l'ordre des communautés de ce coté de la Doire, nous parlerons ici de Ponthey qui est de l'autre de la meme jurisdiction. Elle se trouve confinée au levant par Ussel, au midi par les sommités des monts qui la separent d'avec Cogne, au couchant par la Rivière de Fenis, et au nord par la Doire, vis à vis des portions de territoire de Valtornanche et Torgnion. Elle a bien une eglise à part, mais pour eviter la congrue attendu sa pauvreté, elle pense de demander son union à Châtillon dont elle n'est qu'à un quart de lieue et où elle a tout son commerce; un pont sur la Doire, commun avec Châtillon et Ussel, lui en facilite l'accès, mais cette riviere l'ayant emporté l'année derniere, il s'agit de le refaire. Pour plus de sureté et pour economie des bois, quoique ce quartier en soit assès bien pourvu, j'ai fait dresser le devis de sa construction en pierre qui ne coute que 400 L. d'avantage qu'en bois, qui porterait également .L. 3.000. Comme il interesse ces trois communautés, Châtillon a sorti une transaction du 12 avril 1660 ensuite d'un long procès entre elles au sujet, par laquelle il n'est tenu qu'à y concourir de quatre pistoles d'Espagne de fournir la moitié du fer et de faire la pile de son cote et tout le reste est par moitié entre Ussel et Ponthey. Châtillon . a cependant offert d'y concourir pour un tiers, Ussel de meme, mais Ponthey a refusé y contribuer plus qu 'à rate de ses focages. Cette prétention me paroit juste car si différentes communautés ont un egal intérêt à un pont, c’est en proportion de leur cadastre respectif qu’elles y doivent concourir. Châtillon ne doit-il pas aussi fournir l’accès à ses paroissiens d’Ussel pour se rendre à leur église commune ? Et si ceux de Chameran et de Breil, quoique payanstaille à Valtornanche et Torgnion, comme paroissiens de Châtillon sont tenus à la manutention de cette eglise, ne doivent-ils pas concourir aussi au pont nécessaire pour l'accès des autres paroissiens, ainsi que ceux de Châtillon et d'Ussel me le demandent? Je crois par consequent que Ponthey jusqu'à present, ayant sa paroisse a part, n’y a d’interet que pour son accès à la grande route, au marché et tribunal de Châtillon, qu'Ussel en a besoin absolu pour se rendre à son eglise et avoir son pasteur, que Châtillon et les focages de deça de la meme paroisse quoique non de la même communauté sont tenus à contribuer à lui donner l'accès et je compte, après les avoir oui sur les lieux lors de la visite du tabellion, de repartir les 3400, sur ces principes le contrat etant trop indefini.
Au reste Ponthey est si pauvre que je l'ai trouvé en arrieré d'un semestre de taille depuis fort longtemps et je n'ai pu la mettre au niveau des autres; ses habitans manquent presque tous les printemps de pain et se nourrissant des premieres herbes ressemblent alors à des cadavres ambulantes.
Chamois est un petite communauté au dessus d'Anthey et de Châtillon par une langue ayant ces deux au midi, Valtornanche au couchant et nord, Ayas encore au nord et au levant. Elle porte ce nom parce que c'est un territoire usurpé sur ces fauves. Il n'est que de six focages et demi et ne paye par consequent que L.442 de taille. Sa population est cependant de 344 ames qui pour se nourrir sortent la pluspart en hiver pour le Piémont et le printemps travaillent aux vignes dans la plaine. Son chemin est horrible, son eglise et presbitere sourtout miserable, son eloignement ne permette pas cependant de l'unir à d'autre.
St. Vincent est une des plus grandes communautés de ce Duché et forme avec Champ de Prà et la Riviere de Monjovet au dela de la Doire une jurisdiction particuliere dès qu'en 1586 elle a été demembrée du mandement de Monjovet et qu'elle a été infeodée par patentes du 13 aoust 1613 à la Maison De Perron. Cette premiere communauté forme cinquante focages qui porte sa taille à L. 3.400. Sa population est de 1.833 ames. Le bourg sur la route etoit autrefois considerable, mais, ayant été ruiné par les francais dans les guerres du 1630, il est plus de la moitié en masures, et ne profite plus du passage, Châtillon eloigné d'une petite heure etant devenu l'etape."

ALM Vignet des Etoles, « Mémoire sur la vallée d’Aoste », édité par Fiorenzo Negro, dans Bibliothèque de l’Archivum Augustanum, N°XX, Aoste, 1987, p. 232 et suivantes.

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