Histoire: le château
Nous n'avons pas de documentation écrite sur la création et la fondation du château de Châtillon, et nous ne savons rien sur sa date de construction. Il faut remarquer que ce type d'information est très rare pour l'ensemble des châteaux du Val d'Aoste. Si on s'en tient à Bruno Orlandoni (voir Bruno Orlandoni, Costruttori di castelli : cantieri tardomedievali in Valle d'Aosta, dans Bibliothèque de l'Archivum Augustanum, XXXIII, XXXIV, XXXV, Aoste, 2008-2010, tome 1, tome 2, tome 3) la mention la plus ancienne serait celle du château de Bard en 894, confirmée par une autre, 140 ans après, en 1034. La première mention de Châtillon, en tant que château, serait de 1242, lors de la reconnaissance faite aux Audiences Générales (voir par exemple Joseph-Gabriel Rivolin, Les Valdôtains et la maison de Savoie: un aperçu historique, Aoste, 2015, p. 6 et 7) par les frères Challant Godefroi, Aymon et Boson (répertoriée par exemple dans Inventaire des Archives de Challant, VOLUME 1, CONTI DI CHALLANT, ALBERI GENEALOGICI, Mazzo 1°, 1326-1771, 10, S.D) au comte de Savoie, Amédée IV.
Nous pouvons donc imaginer quelques pistes, l'une fondée sur la continuité historique et les racines romaines de la construction, une autre sur une origine plus récente. Mais il s'agit de suppositions, en dehors de toute documentation. Il faut dire également que, malgré la connaissance approfondie que nous pouvons avoir des lieux, il n'y a que très peu d'informations archéologiques directes disponibles. Le château est privé, et n'a pas fait l'objet d'études scientifiques jusqu'a ce jour.
Le château de Châtillon, mot dont l'étymologie même remonte au latin «castellum», «castrum» ou «castrium», petit camp fortifié ou forteresse romains, comportait jusqu’en 1855 une tour romaine, plus ou moins heptagonale, à la place de l’actuelle maison de gardiens. Cette tour était la marque probable de l'antiquité et de la pérennité de l'emplacement du château comme place fortifiée.
Enrico Gonin (1798-1870?), auteur de cette gravure, l'intitule "Château de Châtillon, dans la privince d'Aoste, appartenant à la noble famille Passerin d'Entrèves". Le château est donc représenté, probablement, entre 1841, date de mort de Gabriella de Cumiana, veuve de Challant, et remariée Passerin d'Entrèves, et donc de changement d'attribution de la propriété, et 1855, date de destruction de la tour hexagonale romaine, ici encore représentée sur la gauche du bâtiment (gravure de Enrico Gonin, collection privée).
La possibilité de cette continuité est renforcée par la présence sur place, dans le village, de plusieurs éléments participants de cette romanité. Le premier est le pont sur le Marmore, torrent qui descend de la Valtournenche, de construction clairement romaine, et livrant passage à la route romaine des Gaules, qui se prolonge le long de tout le val d'Aoste en suivant le cours de la Doire.
Les trois arcs superposés des ponts de Châtillon. Le plus bas est le pont romain (photo collection privée).
Inscriptions romaines enchassées dans les murs de soubassement de l'eglise parroissiale de Châtillon (Source Google Earth)
Qui plus est, diverses inscriptions romaines, désormais enchassées dans le mur au pied de l'église paroissiale, témoignent également de cette présence romaine importante à Châtillon.
Il est par contre peu probable qu'il y ait pu y avoir, à l'emplacement du château et de la tour, placés sur un promontoire rocheux à l'époque, une ferme fortifée, ou une structure de type villa (exploitation agricole romaine, parfois fortifiée) comme cela aurait pu être le cas dans la zone de "plaine" alluviale centrale de la vallée. Et rien dans la structure actuelle du château, plusieurs fois refaite, et profondément remaniée, ne permet plus de remonter à d'autres racines romaines. Il ne nous reste que la représentation de la tour, sur une gravure (voir plus haut) et deux plans.
Plan du Château et parc de Châtillon, sur un document de 1836, avant les travaux de remaniement de la tour romaine (tracée en rouge sur le plan) et de la construction de la maison des gardiens (collection privée).
Plan de construction de la maison des gardiens d'avril 1856. On voit apparaître en grisé le dessin des fondations de la tour romaine au profil hexa- ou heptagonal irrégulier (collection privée).
Si la construction, ou du moins l'extension de tour romaine de Châtillon en château se place à la fin du moyen-âge, contemporaine du premier "incastellamento" local, compris entre XIe et XIIIe siècles (voir par exemple Jean-Marie Martin, "L'incastellamento : mutation de l'habitat dans l'Italie du Xe siècle" dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, N°9, Dijon, 1978, et encore Mauro Cortelazzo, "Prime forme d'incastellamento tra X e XIII secolo" in G. SARTORIO - M. CORTELAZZO, "Dai fasti alle demolizioni. Una rilettura archeologica del Castello di Saint-Pierre (AO)", in Bollettino della Soprintendenza per i beni e le attività culturali, N°11, [2014], Aosta 2015, pp. 70-90.) il n'en reste rien dans les sources. Sur la décision et la manière de construire, nous savons qu'il peut y avoir besoin de l'autorisation du comte de Savoie : c'est le cas lorsque les Challant sont investis du fief de Challant en 1206 par le comte de Savoie Thomas 1er, qui leur donne le fief de Ville-sur-Challant, suivant De Tillier, "in augmentum sui feudi ut in eo edificet et castellet" (voir TILLIER, Jean-Baptiste de, Nobiliaire du Duché d'Aoste, Éditions de la Tourneuve, 1970 [voir la partie "Challant", première édition manuscrite de 1733, dans une copie manuscrite de la fin du XIXe siècle] ou encore Inventaire des Archives de Challant, VOLUME 1, CONTI DI CHALLANT, ALBERI GENEALOGICI, Mazzo 1°, 1326-1771, 10, S.D). La même formule se retrouve, suivant Orlandoni, pour la construction de la maison forte de Tholes à Gressan en 1209 (voir Bruno Orlandoni, Costruttori di castelli : cantieri tardomedievali in Valle d'Aosta, dans Bibliothèque de l'Archivum Augustanum, XXXIII, Aoste, 2008-2010, tome 1, p. 36, ainsi que Inventaire des Archives de Challant, VOLUME 30, CONTE DI CHALLANT, TRANSAZI0NI TRA SIGNORI E SIGNORI, Mazzo 2°, 1358-1458, 18, 1458, 28 août). Et c'est une formulation assez proche que l'on peut trouver dans le document produit en 1217 par le duc de Savoie (Thomas Ier) pour Guillaume Sarriod et sa famille (ci-dessous). Il en existe une autre précédente, sans doute pour un autre Guillaume Sarriod, en 1114.
Augmentation de fief concédée à Guillaume Sarriod en 1114(?) par Amédée III, comte de Savoie. Il est remarquable que ce document soit largement antérieur à tout ce que l'on sait des Sariod, et en particulier à tout ce que nous en indique De Tillier dans son Nobiliaire. Il porte sur le verso, probablement de la main d'un ancien archiviste, la mention Archives de la Tour d'Hone. (Collection privée).
Augmentation de fief donnée par le duc de Savoie, Thomas Ier, à Guillaume Sarriod et ses héritiers, en 1217 (Collection privée).
Mais ni l'Inventaire des fonds Challant aux Archives Historiques Régionales d'Aoste, ni d'autres fonds d'intérêt valdôtain n'ont jusqu'ici révélé de document de cette nature à propos de Châtillon.
Enfin, entre la formule du pur héritage romain, comme c'est le cas pour les tours dans la ville d'Aoste, par exemple, et la construction médiévale sur permission du comte, il peut exister d'autres manières de procéder. C'est le cas par exemple pour la fondation du château d'Ussel, un peu plus tardive. Elle est en effet autorisée par une négociation entre branches de la famille Challant, en 1332 (voir Zanolli Orphée, "La date de fondation du Château d'Ussel" dans Archivum Augustanum, VII, 1974-75, ainsi que Inventaire des Archives de Challant, VOLUME 41, CONTE DI CHALLANT, ATTI DI LITI DIVERSE, Mazzo 1°, 1293-1444, 4, 1332, 9 juin), avec quand même l'aval des ducs de Savoie, Edouard puis Aymon. La construction en est lancée 10 ans plus tard, en 1443. Cette datation précise est confirmée par les études dendrologiques sur les bois retrouvés lors de la restauration du dit château (voir Bruno Orlandoni, Costruttori di castelli : cantieri tardomedievali in Valle d'Aosta, dans Bibliothèque de l'Archivum Augustanum, XXXIII, Aoste, 2008, tome 1, p.86).
Château d'Ussel, fondé par et pour les Challant en 1332, suite à une négociation familiale (photo collection privée)
Mais nous n'avons pas de document de ce type à propos de Châtillon, et la dendrologie comme l'archéologie nous font également défaut.
Nous n'avons donc pas de documents médiévaux ou d'autres sources sur la création du château de Châtillon. Nous n’avons pas non plus les plans originels du château, d’époque médiévale ou moderne. Le document le plus ancien dont nous disposons est donc la reconnaissance passée aux audiences générales de 1242 (voir Archivio di Stato di Torino, Sezione Corte, Duche d'Aoste in Paesi [Inventario n. 9], Cité e Duché d' Aoste, Mazzo 1.2, Fascicolo 11, 1242, dicembre 19, «Reconnoissance passé par Geofroi et ses d.s freres au d.t Comte Amé de la Vicomtée d'Aoste, et du Vidonnat, biens, et revenus qui en dépendent, de la 5.e partie des revenus qu'ils avoient dez le sommet de Montjoux jusqu'à Helier, à la reserve de ceux de la Valdigne, du Chateau, et Revenus de Fenis dez le Chateau de Bard, jusqu'au Pont de Livrogne des miniéres, et autres revenus qu'ils possedoient dans la d.e Vallée, des Chateaux de Châtillon, Rives, Ville, et Chatelargent, des Plaits de Doues, Montjoux, Châtillon, et de divers autres droits et revenus y specifiés. 19. xmbre 1242»). La reconnaissance porte ici sur le fief mais aussi sur le château, cité nommément, et sans ambigüité, puisque l'autre château de Châtillon déjà existant, celui de Rives, est cité également. Il existe donc bien déjà en décembre 1242 un château de Châtillon, s'inscrivant comme fief dans une seigneurie depuis au moins 1212, et déjà de propriété des vicomtes d'Aoste, futurs Challant : c'est là tout ce dont nous disposons.
Château de Châtillon. Vue actuelle de la façade ouest depuis le jardin, à gauche en hiver, à droite en été (photo collection privée)
Ceci étant, si nous ne connaissons pas ses origines, nous connaissons quelques unes des grandes campagnes de modification, amélioration et agrandissement qui ont touché le château au cours des siècles. La volonté continue de tous ceux qui y ont habité amènent régulièrement à des réfections et améliorations. C'est sans doute lié à sa position favorable, au dessus de la voie romaine du village, et du pont, lieu propice à faire payer un péage, ainsi qu'à sa position ensoleillée et agréable. Habité continuement, résidence appréciée et lieu d’habitation particulièrement recherché par les différentes branches des Challant, l'architecture et les décors en ont été modifiés et magnifiés à différentes époques.
La première campagne dont nous gardons sinon la trace, du moins la mémoire, nous est décrite par Jean Baptiste de Tillier, qui nous dit dans son Nobiliaire que "Jean de Challant, frère cadet du comte François, fut par les partages du seigneur Yblet son père seigneur de Châtillon, dont il fit bâtir le château" (Voir TILLIER Jean-Baptiste de, Nobiliaire du Duché d'Aoste, Éditions de la Tourneuve - 1970 [première édition manuscrite première moitié du XVIII siècle], p. 95). Et encore dans l'Historique que Jean de Challant "fit bâtir le château tel qu'on le voit aujourd'hui [1733!], dans une agréable situation sur une éminence au dessus du bourg, où les seigneurs font à présent leur demeure une partie du temps" (voir Tillier, Jean-Baptiste de, Historique de la vallée d'Aoste, Aoste, 1887, p. 68). Orlandoni met en doute cette datation pour la première transformation connue du château, dans la mesure où, Yblet mort en septembre 1409, Jean de Challant semble le suivre dans la tombe moins d'un an après (son testament est de 1410, et dès 1411 sa veuve apparaît comme telle dans les Archives. Ailleurs la date de sa mort est assez floue). Cette trop courte période ne laisse pas à Jean suffisamment de temps pour mener une campagne de (re)construction qui se respecte. C'est donc entre Jean, Iblet son père, et François son frère et héritier, premier comte de Challant, que ce premier chantier de restauration/reconstruction a dû se jouer, à partir de la première version du château, citée dans la reconnaissance de 1242.
Château de Châtillon. A gauche: Fresques de la salle des archives sur le thème du roman de Renard, datant probablement du début du XVe siècle, comme celles du château de Fénis (à droite)(photos collection privée)
Quoi qu'il en soit c'est dans ce début de XVe siècle que une première série de travaux ont lieu, faisant de Châtillon une demeure agréable et up to date du point de vue des fortifications et de l'organisation. Les fresques de l'actuelle salle des archives sont probablement de cette date, qui se rapprochent de celles de Fénis, sinon par le thème du moins par la patte, d'un artiste ou de son école (plessis, plantes, enduits sous jacents...).
Vues panoramiques plein sud actuelles depuis le château de Châtillon, image du haut en été, image du bas en hiver (photo collection privée)
Une deuxième série de travaux, sans aucun doute de nature militaire accentuée, prend place au milieu du XVe siècle, dans le cadre de la guerre qui oppose Catherine de Challant, héritière principale voulue par le premier comte de Challant, François, et l'ensemble de ses cousins mâles, principalement ceux de la branche Aymavilles, héritiers par droit familial, par droit coutumier valdôtain et avec l'approbation des Savoie. Le château de Châtillon, nous dit Vaccarone, est alors fortifié par Pierre et François Sarriod d'Introd, mari et beau-frère de Catherine de Challant. A Châtillon, on construit des terre-pleins, on creuse des fossés, peut-être mis en eau, même si les lieux, actuels ou anciens, y semblent peu propices. On répare d'anciennes murailles et on en construit de nouvelles. Au moins deux maîtres d'armes y fabriquent couleuvrines et arbalètes. Une garnison, nombreuse et sur ses gardes, y est présente jour et nuit (voir VACCARONE, Luigi, I Challant e loro questioni per la successione ai feudi dal XII al XIX secolo, Turin, 1893, p.10; voir Charles Passerin d'Entrèves, "Le siège du château de Châtillon du temps de Catherine de Challant" in Revue valdôtaine de pensée et d'action régionalistes / sous les auspices du conseil de la Vallée ; 1 (Nota: 1 (1948), fasc. 2, p. 117)).
A gauche: Représentation de fantaisie (l'auteur n'a jamais visité les lieux!) du Château de Châtillon au (début du ) XVIe siècle, d'après Francesco Corni. Ce travail est visible en ligne sur le site de la Fondation Francesco Corni, que nous vous encourageons vivement à visiter: une grande quantité des châteaux, maisons fortes et tours du Val d'Aoste y sont représentés par la plume magistrale du grand architecte et déssinateur. Cette représentation est visible également dans le livre, précieux, de Francesco Corni, Segni di pietra. Torri, castelli e residenze della Valle d'Aosta, édité à Saint-Christophe par l'Association Fort de Bard, en 2008, et accompagné de commentaires de l'archiviste Joseph-Gabriel Rivolin et de l'historien Bruno Orlandoni. A droite: Plan de masse du château de Châtillon et de son enceinte, dans son état actuel, tel que levé par Guido Dondeynaz, géomètre, et enrichi avec les informations des plans de remaniement du parc de 1836 et de reconstruction de la maison des gardiens de 1856, ainsi que de la gravure de E.Gonin (avant 1855).
C'est probablement le moment où le château ressemble le plus à celui que l'imaginaire un peu débordant de Francesco Corni nous montre, malgré quelques erreurs d'interprétation et de proportions. Nous y avons bien la tour romaine, à l'entrée du château, tout près du pont-levis, lui aussi démoli en 1855. Nous y avons bien une enceinte extérieure et une tour ronde au levant : probablement etait-ce davantage une "demi-tour", arrondie à l'extérieur de l'enceinte et ouverte vers l'intérieur. Par contre diamètre et rayon en sont plus importants que ceux que Francesco Corni a représentés, comme en témoigne le plan de masse. Les deux tours carrées au nord et la tour carrée à l'est n'existent pas, un corps de bâtiment occupant leur place, comme en témoignent les fresques aux différents points de la construction. Enfin, il y avait un donjon, carré ou rectangulaire pour le moins, occupant presque l'emplacement de la tour sud-ouest représentée, mais deux fois plus éloigné de la tour romaine et de l'enceinte. Enfin, ce qu'on voit actuellement des caves et de la chapelle au rez-de-cour de la tour ronde permet d'inférer une pente, déscendant plus ou moins légèrement de sud-ouest en nord-est, et respectant sans doute la conformation orographique de l'éperon rocheux initial, aplani dans des travaux ultérieurs.
Ce plan nous renvoie aux plans des nombreux châteaux dits "primitifs" ou de montagne, présents en Val d'Aoste, comme celui de Cly, ci dessous, ou celui de Graines, de Châtel-Argent ou encore de Saint-Germain.
Chateau de Cly, dans la commune de Saint-Denis (photo et plan).
L'éperon rocheux, le donjon, près de la tour romaine, la pente, l'enceinte, la chapelle sont des éléments qui ont pû être partie d'un château primitif. Comme à Cly, on pourrait donc lui imaginer des origines autour de l'an mille (1027 pour Cly, daté par la dendrochronologie des bois qui ont servi à sa construction ; XIe siècle pour le château de Graines ; 1274-1275, pour la reconstruction de Châtel-Argent). Mais il faudrait valider les datations par des fouilles archéologiques qui n'ont, pour l'heure, pas eu lieu.
Il reste qu'en ce milieu de XVe siècle, le château de Châtillon est donc bien mieux fortifié qu’il ne l’est maintenant, et bien mieux qu'il ne l'était auparavant. Et c'est alors qu'il subit le siège en règle par la branche des Challant-Aymavilles, menée par Jacques de Challant, cousin de Catherine. Probablement a-t-il subi à cette occasion une dégradation marquée, amenant ses nouveaux propriétaires, vers la fin du XVe siècle, à le restaurer intégralement. Il faut quand même souligner que c'est à notre connaissance le seul conflit auquel le château ait participé.
Conquis militairement, après un long siège, par l'autre branche de la famille, avec l’accord des Savoie, il change alors de propriétaire. Cette nouvelle série de travaux de remise en état nous est inconnue. Nous imaginons en tout cas que, comme Yblet, Jean, François, et pêut-être Catherine et Marguerite, ses nouveaux conquérants de la branche Aymavilles, Jacques, Louis, puis Philibert, occupent les lieux, et profitent des avantages de la maison. On considérait, jusqu'à une date récente, que Philibert de Challant y avait baptisé son fils René, dans la Chapelle de la tour du Levant, redécorée pour l’occasion (peintures encore existantes même si très mal "restaurées" au XIXe siècle). Mais il semble, d'après des recherches plus récentes, que les fresques du château d'Issogne et leurs dédicaces (saints représentés) se rapprochent tellement de l'évenement (parents, parrain, marraine, assistance...) que ce soit là-bas que le baptême ait eu lieu.
Image 1 : Chapelle du chateau d'Issogne, avec fresques d'époque et autel en style gothique tardif original, datant de l'époque du prieur Georges de Challant. Image 2 : Fresques pariétales de la chapelle du château de Châtillon, datant probablement de la même époque, et avec le même commanditaire, hélas largement remaniées au XIXe siècle, mais relevant aussi du style et des compositions (personnages, ordre, disposition...) du style gothique tardif.
Chapelle du Château de Châtillon, avant (gauche) et après (droite) les travaux de restauration réalisés par Erika Favre à l'été 2022. La fresque originelle, sans doute d'après 1578, correspond au passage (avec permanence et ostension de quelques jours) du Saint-Suaire dans cette chapelle, qui ouvrait le droit à le représenter dans la décoration externe des lieux par lequels il transitait.
C'est de cette période également que datent les fresques survivantes aux grands travaux du début du XVIIIe siècle, qui illustrent le mariage de Philibert de Challant avec Louise d'Arberg. Ces fresques, sur thème maritime, peuvent se rapprocher des fresques, maritimes elles aussi, de la salle du trône d'Issogne, puisque elles datent de périodes proches. Il faut bien dire qu'elles étonnent un peu entre les montagnes du Val d'Aoste. Peut-être peut-on considérer le moment (découvertes de Christophe Colomb, exploration des côtes d'Afrique et d'Asie...), ou le côté lacustre des d'Arberg-Vallengin (dont les seigneuries sont sises près du lac de Neuchâtel), ou encore une inspiration liée aux croisades...
Fresques survivantes aux travaux du XVIIIe siècle, en mauvais état, situées dans les combles au dessus du grand salon, et datant de la période 1502-1517 (date du mariage entre Philibert de Challant et Louise d'Aarberg-Vallengin, et date de décès de Philibert). On reconnait, un peu difficilement, sur le bateau de gauche comme dans l'encadré central, les armoiries mi-parties de Philibert de Challant et de Claude d'Aarberg-Vallengin, père de Louise, aux chevrons caractéristiques (Photo collection privée)
En tout cas, c'est en 1517, à la mort de Philibert de Challant, que nous avons la plus ancienne "description" du château de Châtillon, au travers de l'inventaire après décès tel que la rapporte Frutaz dans son ouvrage sur Châtillon (voir François-Gabriel Frutaz, Le château de Châtillon et l'inventaire de son mobilier au XVIe siècle, Aoste: Imprimerie Catholique, 1899). Je reprends ici la description qu'en donne, en résumé, Bruno Orlandoni, dont le travail inspire très largement les paragraphes qui vont suivre (voir Bruno Orlandoni, Costruttori di castelli : cantieri tardomedievali in Valle d'Aosta, dans Bibliothèque de l'Archivum Augustanum, XXXIII, Aoste, 2008-2010, tome 1, p. 311 et suivantes). L'extrait de l'inventaire cite un grand nombre de pièces (j'ai rajouté la numérotation) :
"1- la chambre qui est en hault de la tour du viret dudict chasteau... 2- la chambre appellee la garde robe... 3- l'aultre petite garde robe a pres ladicte garderobe... 4- la chambre appelee la chambre touppe... 5- la grant sale dudict chasteau, toute tappissee de tappisserie jaulne et verde a arbres et sauvagines... 6- la chambre auprès de ladicte grant sale... 7- la grande sale basse... 8- la chambre aupres de ladicte sale basse... 9- la cuisine... 10- la petite crocte ou pié du viret... 11- la grant cave... 12- la petite cave de Sainct pol... 13- la chambre sus la porte du dict chasteau... 14- la riere chambre quest sus le belloard... 15- la chambre appellée dessus lestan... 16- la chambre sus de la gallerie aupres de la posterne en laquelle couchent les serviteurs... 17- la chambre ensuyvant... 18- en la tour de champ de court, en la plus haulte crotte... 19- et une salle dedans le belloard ou pres de la porte dudict chasteau... 20- la garde robe qui est ou pres de la chambre touppe..."
Il est compliqué de rapporter l'ensemble architectural décrit à l'état actuel du château. Même à l'aide d'un plan, on se perd très vite dans des descriptions qui ne semblent pas correspondre correctement à l'état actuel, tel que parvenu jusqu'a nous. Il est sans doute plus simple de rapporter le tout à un plan de masse de ce que pouvait être l'état du château et de son enceinte fortifiée à l'époque.
Plan de masse du château de Châtillon et de son enceinte, dans son état actuel, levé par Guido Dondeynaz, enrichi avec les informations des plans de remaniement du parc de 1836 et de reconstruction de la maison des gardiens de 1856, ainsi que de la gravure de E.Gonin (avant 1855).
Le donjon en son état actuel comprend 4 niveaux, dont un niveau de cave, dit "salle des chevaliers", qui était vraisemblablement le niveau au rez de jardin avant que l'enceinte ne soit comblée (au XVIIIe siècle), et le nombre des niveaux ramené à trois plus une cave. Cette salle est munie d'une cheminée et comporte des armoiries peintes, ce qui la ramène pour le moins au XVIe siècle, voir bien avant. La tour romaine hexa- ou heptagonale irrégulière était probablement prolongée de bâtiments qui encadraient le pont levis, même s'il est difficile de savoir comment.
A gauche, élegant et large "viret", soit ecalier colimaçon, au château d'Issogne. A droite, "viret" ne commençant qu'au deuxième niveau (troisième niveau médiéval) pour donner accès au sommet du donjon, actuellement chambres du troisième étage.
Le "viret", escalier en colimaçon, ne commence (désormais ?) qu'au deuxième étage (troisième niveau médiéval) du donjon, et ne dessert que le quatrième et dernier niveau. Mais il n'a rien du prestige des escaliers colimaçons larges et élégants du château d'Issogne, puisqu'il mesure moins de 80 cm de large, et que le pivot ou noyau, peut-être en pierre, en est caché par la maçonnerie. Nulle part ailleurs dans le bâtiment il n'y a trace d'un "viret" médiéval, puisque l'escalier dans la tour du levant, probablement tour à gorge ouverte au moyen-âge, même s'il tourne entre le premier et le deuxième niveau, le long du mur de la tour ronde, n'est pas du tout en colimaçon.
L'exploration de l'actuelle cave du château est peut-être la plus précieuse du point de vue médiéval et pour la première modernité, à la fois pour les pièces qu'elle présente, mais également pour les "terrepleins", correspondant probablement, à l'origine, à des affleurements rocheux, ou pour le moins a des zones non construites. Evidemment, sans connaître précisément les dates et l'ordre de construction des bâtiments il est très compliqué d'en tirer des conclusions justes.
Plan du sous-sol du château de Châtillon, dans son état actuel, levé par Guido Dondeynaz, remanié et illustré de photos (collection privée).
Mais on peut en tout cas imaginer comment se présentait la construction. C'est donc peut-être un bâtiment en L ou un bâtiment rectangulaire qui semble ressortir de cette première et un peu hasardeuse analyse. La " 5- grant sale dudict chasteau, toute tappissee de tappisserie jaulne et verde a arbres et sauvagines... " pourrait être la bibliothèque actuelle, dont le décor correspond à la description, même s'il ne s'agit pas de tapisseries mais de fresques. Et la "6- la chambre auprès de ladicte grant sale... " l'actuelle chambre d'apparât dite chambre bleue.
A gauche : la bibliothèque actuelle, salle où étaient autrefois conservées les Archives des Challant. A droite : la chambre dite chambre bleue actuellement. On comprend ici a quel point il est difficile de remonter dans le temps, dans des décors bien plus récents, et après les reconstructions lourdes voulues par les Challant et les Passerin d'Entrèves et de Courmayeur au XVIIIe et XIXe siècles (photos collection privée)
Deux autres corps de bâtiment viennent complétér l'ensemble, la "tour de champ de cor", actuellement tour de la chapelle, et de la tour romaine et de ses bâtiments, tour détruite en 1855 et transformée avec le reste des bâtiments en orangerie-maison des gardiens. Les trois ensembles apparaissent assez clairement dans le plan de masse ou sur les photos prises depuis le village. Ils représentent ensemble une vingtaine de pièces, ce qui en fait un château plus réduit que le château actuel et ses presque 3000 mètres carrés.
Façade sud du Château de Châtillon depuis le village. On distingue très bien les trois ensembles de bâtiments, l'actuelle orangerie et maison des gardiens, le corps principal du château, et la "tour de champ de cor" actuellement tour de la chapêlle (photo collection privée)
A la fin du volume, Frutaz (voir François-Gabriel Frutaz, Le château de Châtillon et l'inventaire de son mobilier au XVIe siècle, Aoste: Imprimerie Catholique, 1899) ajoute dans ses notes un autre inventaire, celui fait au château de Châtillon à la mort de René de Challant en 1565. Comme de juste, il recoupe précisément celui de 1517, à la mort de son père. Châtillon n'étant pas son château préféré (il était bien davantage à Issogne ou même Aymavilles), il n'y à fait apporter aucune modification. Et peu après sa mort, en 1573, le château passe même à la branche des barons de Challant-Fénis. C'est donc dans cette branche qu'est établi un autre inventaire après le décès du baron Paul-Emmanuel de Challant, en 1642 (le titre comtal échoit alors, à la deuxième fille de René de Challant, Isabelle, et à son mari, Jean-Frédéric de Madruzzo, de famille trentine ; voir Enrico Tognan, "Le château de Châtillon d'après l'inventaire de 1642" in Bulletin de l'Académie de SAint-Anselme, Nouvelle série, XVI, Aoste, Imprimerie Valdôtaine, 2015, p. 47). L'inventaire est bien plus précis que celui de 1517, et permet d'en apprendre bien davantage sur Châtillon à la moitié du XVIIe siècle. Il compte le même nombre de pièces que dans l'inventaire de 1517. Il faut souligner que l'apparence extérieure de l'ensemble comporte le même enduit de sable de la Doire qu'au XVIIIe siècle et qu'actuellement. Il n'a pas bougé (sauf parties modifiées et ajoutées) depuis la réalisation de la fresque du Saint-Suaire sur le fronton de la chapelle en 1578 ou peu après, ce qu'a démontré la restauration réalisée en 2022. Et lors des grands travaux du XVIIIe et XIXe siècles on à réutilisé exactement la même technique et presque la même teinte. Probablement, à la fin du XVIe siècle et encore en 1642, le niveau de l'esplanade autour du château est de plus d'un mètre et demi plus bas que le niveau actuel, ce que traduisent aujourd'hui les quelques marches qui descendent à la chapelle, et les fenêtres de l'actuelle cave, rez-de-cour du château à l'origine, largement sous terre (presque 2 mètres) actuellement. Il y avait probablement aussi des différences dans les hauteurs des sols entre la "tour du champ-de-cor", le bâtiment principal et la tour et son ensemble à l'entrée de l'enceinte, toujours suivant la pente. Quoi qu'il en soit, la lecture du château actuel pour restituer ses formes anciennes reste assez compliquée malgré les documents dont on dispose.
La forme actuelle date en grand partie du début du XVIIIème siècle, et est voulue par Pauline Solaro di Govone, épouse de Georges-François de Challant. L'Inventaire des Archives de Challant nous transmet, le 24 mars 1717, dans son volume 100, pièce 20, une "Capitulazione tra la signora contessa Paulina Cristina Solar di Challant, ed il mastro Giovanni Francesia, per la formazione dell’allea, terrassa ed altre opere attorno il castello di Castiglione, come pure per il forno e fucina ivi espresse", pour une fois en italien.
Plan du rez de chaussée du château de Châtillon, dans son état actuel, levé par Guido Dondeynaz, remanié.
Ces travaux ont lieu à partir de 1717, mais se prolongent quelques années, d'autant plus qu'un tremblement de terre met en péril la construction en 1755. Les réparations ne seront ordonnées que plus de 10 ans après (1769) à l'ingénieur Castelli, et à l'architecte Franco Millano, et dureront probablement 20 ans (voir la pièce 50 du volume 90 de l'Inventaire des Archives de Challant qui regroupe 18 documents sur le sujet, s'étalant de 1769 à 1789, en italien également).
Dans l'ensemble on peut dire qu'ils transforment un château encore dans "son jus" médiéval, ou pour le moins renaissance, en une demeure de luxe, munie de pièces de prestige (salon, salle à manger, chambres verte et bleue...), d'un très grand escalier, de prestige lui aussi, largement surdimensionné.
Image 1 : Façade sud du Château de Châtillon, dans une gravure du début du XVIIIe siècle à gauche, et actuelle à droite. Il est difficile de percevoir les modifications du XVIIIe siècle, si ce n'est qu'on a bien un enduit uniforme, pas de tour carrée à l'est du bâtiment, et qu'on conserve la tour romaine et son bâtiment en guise de poterne. Image 2 : Les travaux voulus pas les Passerin d'Entrèves et de Courmayeur sont eux, au moins en partie, bien visibles sur la photo: maison de gardiens/orangerie, surélévation de la tour du Levant, carrée, à droite de la photo.
Tout en restant à une échelle relativement réduite, la bâtisse voulue par Pauline de Challant s'inspire certainement des palais et demeures de son temps, châteaux privés, villas palladiennes, palais royaux.
Image 1 : Grand salon du château de Govone - Image 2 : Grand salon de la villa palladienne La Rotonda, à Vicence - Image 3 : Grand escalier de Filippo Juvarra dans le Palazzo Madama à Turin.
Il n'est pas inutile de s'attarder sur le chantier du Châtillon au XVIIIe siècle. Les Challant semblent en effet faire confiance à des architectes, maçons et spécialistes divers, italiens, aux "maestranze d'arte" de Lugano, dans le Teissin Suisse, etce d'un bout à l'autre du chantier. Si c'est un Francesia qui se lance le premier dans les travaux (Inventaire des Archives Challant, 24 mars 1717, volume 100, pièce 20, "Capitulazione" avec "mastro Giovanni Francesia", pour divers travaux), italien mais inconnu sur d'autres chantiers valdôtains à ma connaissance, Pauline de Challant fait appel à Stefano de Giorgi et/ou à Giorgio de Giorgi son frère autour des années 1735-40, pour la réalisation sinon de la totalité de l'architecture du Grand Salon et du grand escalier de Châtillon, du moins pour le décor en stuc (voir l'article "Prima di Giocondo: gli Albertolli e i Luganesi in Valle d'Aosta", in Ornato e architettura nell’Italia neoclassica, a cura di C. Agliati, P. Cordera, G. Ricci, Bellinzona, 2019, pp. 71-89.). On retrouve les mêmes Maestranze d'arte de Lugano avec la famille Albertolli, apparentée sans doute à la famille de Giorgi, dont Michele Albertolli établit entre le 12 et le 30 septembre 1785 un devis pour divers travaux à Châtillon (Inventaire des Archives de Challant, volume 232, pièce 14, 1786, 12-30 septembre, Le maître-maçon Michel Albertolli donne son devis pour des travaux de réparation au château de Châtillon). Le même volume des Archives de Challant comporte devis et mémoires sur toute sorte de travaux réalisés dans le Château de Châtillon entre 1773 et 1794. S'il est un peu long de tout mentionner ici, il suffit de voir que tous les corps de métier du bâtiment sont sollicités, à divers degrés de la hiérarchie des métiers du bâtiment qui est justement en train de se mettre en place dans ces années là en Savoie : on trouve ainsi de simples ouvriers, des maçons et des maîtres-maçons, des tailleurs de pierre, des forgerons, des menuisiers, des charpentiers, l'ingénieur Castelli (nom prédestiné, mais dont je n'ai trouvé que quelques mentions, et pas d'éléments biographiques utiles) et l'architecte Franco Millano (rien non plus), un serrurier, des marchands de meubles et d'étoffes, des verriers, des jardiniers, des ferblantiers, et même un sculpteur, Jean-Baptiste Bernero, dont je ne sais pas trop à quelle réalisation le rapporter. Les conducteurs se font payer pour conduire des charges de sable jusqu'au château, probablement pour les enduits, ainsi que des pierres pour les murs, des loses (ardoises) pour le toit, et du bois pour les charpentes et autres constructions. Et certains particuliers sont même rétribués pour avoir fourni du fumier pour les jardins du comte!
Image 1 : Dessin préparatoire pour le décor du Grand Salon du Château de Châtillon (Attribué à la Bottega De Giorgi, Alzato della decorazione per il salone a doppia altezza nel castello dei nobili Challant a Châtillon, Valle d’Aosta, environ 1735-40, encre de chine sur aquarelle, sur papier, cm 39.7 x 29.3, Bellinzona, Archivio di Stato, fondo Rabaglio, tav. 9. Image 2 : Réalisation des stucs du Grand Salon, autour du portail d'accès (photo collection privée).
On doit par contre au début du XIXe siècle un retour en grâce de la Chapelle de Notre-Dame-des-Grâces, annexée au château de Châtillon. Nous avons déjà vu qu'elle avait été prise dans la partie basse de la tour ronde, probablement à gorge ouverte à l'est des bâtiments, dite "tour du champ-de-cor". Si on s'en tient au dénivelé entre le niveau de son sol et celui de l'esplanade, la pièce où elle est installée fait déjà partie du château primitif, probablement avant les grands travaux du milieu du XVe siècle.
Par ailleurs, même repeint par un malencontreux "restaurateur" du XIXe siècle, le cycle pictural qui y est représenté (Christ au jugement dernier avec l'épée de justice et le lys de la miséricorde, au plafond ; Notre Dame des Grâces et un ange avec un cartel ; et les apôtres avec leurs symboles sur la paroi tout autour), permet facilement de rapporter ce décor à la période du gathique tardif, celle du prieur Georges de Challant, déjà commanditaire de la chapelle d'Issogne, et de nombreux autres lieux dans la vallée. Si la chapelle peut avoir préexisté à la fin du XVe siècle (la première mention d'une chapelle castrale au Val d'Aoste date de 1207 pour la chapelle Saint-Maurice du château de Cly, existant déjà depuis le XIe siècle), c'est à cette époque qu'elle revêt davantage d'importance, au point d'abriter le Saint-Suaire lors de son passage par la vallée, entre Chambery et Turin, en 1578.
Chapelle du Château de Châtillon, après les travaux de restauration réalisés par Erika Favre à l'été 2022. La fresque originelle, sans doute d'après 1578, correspond au passage (avec permanence et ostension de quelques jours) du Saint-Suaire dans cette chapelle, qui ouvrait le droit à le représenter dans la décoration externe des lieux par lequels il transitait.
D'autres éléments de son mobilier, comme le triptyque comportant Notre-Dame-des-Grâces, ainsi que saint Pierre et saint Paul, qui datent de la décénnie 1585-1595, traduisent une importance qui perdure durant la période des barons de Châtillon, tout au long du XVIIe siècle.
Triptyque daté d'après les armoiries du panneau central, celles du baron Georges de Challant Châtillon, en bas à gauche, marié en 1585 avec Adriana Costa della Trinità, armoiories en bas à droite. Comme il est mort en 1595, le tableau date de cette décennie, peut-être plus précisément de 1586, date de naissance de leur fils et héritier, Paul-Emmanuel, baron puis comte de Challant.
Il faut ensuite attendre la période 1835-1839 pour voir reparaître, de façon très importante, dans les archives Challant, des documents, pour la plupart concernant Gabriella Canalis de Cumiana, veuve Challant, épouse en deuxièmes noces d'Aimé Passerin d'Entrèves et de Courmayeur. Ces correspondances, bulle papales, courriers aux autorités et des autorités écclésiastiques valdôtaines valident le caractère sacré de la chapelle et de son mobilier, le droit d'y prononcer des messes, l'indulgence pour les visiteurs, et l'indulgence pleinière, par la grâce du pape Grégoire XVI, accordée deux fois par mois à sa propriétaire (voir Inventaire des Archives Challant, volume 229, pièce 40).
La restauration de la fresque du frontispice de la chapelle du château de Châtillon (Erika Favre, été et automne 2022) fait partie de la dernière série de grands travaux, initiée par la comtesse Claudia Passerin d'Entrèves et de Courmayeur. On lui doit toute une série de restaurations dans le château de Châtillon, aussi bien la remise à neuf de la toiture, la reprise en main du jardin et du parc (ce dernier désormais géré par la Région Val d'Aoste et ouvert au public), ou de très lourds travaux de remise aux normes électriques et hydrauliques, la restauration et l'extension du chauffage, ou la décoration intérieure (peintures) dans les milliers de mètres carrés du bâtiment (voir émission de télévision sur la télé italienne RAI 3: Le château de Châtillon, épisode 1 (en italien); Le château de Châtillon, épisode 2 (en italien)).
Bien entendu, il est inutile que je m'attarde plus ici sur la structure contemporaine, le château tel qu'il se présente actuellement, que vous pouvez admirer au travers des quelques photos de la rubrique Galerie du site. Il me faut quand même insister sur le fait que il reste bien peu du mobilier Challant de la maison, tel que décrit dans les inventaires après décès ci-dessus étudiés, ou même de mobilier Passerin d'Entrèves ancien. Pour l'essentiel Le château est meublé dans des styles XIXe et XXe siècle, de diverses provenances (achats, mariages, héritages...) et de diverses qualités. Et si le XVIIIe siècle avait déjà apporté son lot de nouveautés (salles de bains, eau courante dans certains lieux de la maison, grand escalier, grandes fenêtres...), c'est bien davantage le XIXe siècle puis le XXe siècle et les Passerin d'Entrèves et de Courmayeur qui finissent de moderniser l'ensemble, en y apportant les éléments du luxe de leur temps (salles de bains dans toutes les chambres, eau courante partout, chauffage dans certaines parties du bâtiment, électricité et lumière électrique, eau chaude...), à l'instar du Château de Breil, appartenant au baron Gamba, tout proche.